Adresse de Sophie Binet aux syndicats CGT


Cher.e.s camarades,
Depuis plusieurs mois, notre pays traverse une crise politique d’une gravité inédite. Pourquoi ? Parce que
nous avons fait payer au prix fort à Emmanuel Macron et au patronat leur passage en force sur la réforme
des retraites : le Président de la République a été sanctionné par les urnes, n’a plus aucune majorité, et
a dû sacrifier 5 Premiers ministres pour tenter de maintenir sa politique. L’entêtement du Président de la
République et du patronat a plongé le pays dans le chaos institutionnel avec un impact économique très
lourd. Les plans de licenciements se succèdent et malgré nos alertes aucun gouvernement n’a levé le
petit doigt pour stopper l’hémorragie industrielle.
Nous n’avons pas tourné la page et la réforme des retraites reste le sujet central. La mobilisation de
rentrée dans laquelle nous avons joué un rôle déterminant avec les journées des 10 septembre, 18
septembre, 2 octobre et 9 octobre l’a confirmé : il n’y aura pas de stabilité politique sans abrogation de la
réforme des retraites ni réponse aux exigences sociales. Pour échapper à la censure, Sébastien Lecornu
a donc été obligé d’annoncer ce qu'il qualifie de « suspension » de la réforme des retraites.
Attention aux effets d’annonces, il s’agit comme nous l'avons tout de suite pointé d’un décalage plus que
d’une suspension : l’application de la réforme des retraites serait décalée d’une génération. Les salarié.e.s
né.e.s en 1964 partiraient à 62 ans, 9 mois et 170 trimestres au lieu de 63 ans et 171 trimestres, et ainsi
de suite… En bref, les générations de 1964 à 1968 pourraient partir 3 mois plus tôt que prévu. C’est une
petite avancée pour les salarié.e.s concerné.e.s et une première brèche dans ce totem macroniste à
mettre à l’actif de la stratégie de mobilisation et d’unité de la CGT. Deux ans et demi après, Emmanuel
Macron n’arrive toujours pas à tourner la page…Cela confirme que l’application de la réforme peut être
bloquée sans mettre le pays en faillite, et surtout que cette réforme ne passera jamais ! Cependant, on
est bien loin de l’abrogation ! Si cette disposition est adoptée telle quelle, elle conduira à décaler les 64
ans… tout en les confirmant… ! Cela serait inacceptable ! L’objectif pour la CGT est donc bien d’élargir
la brèche jusqu’à l’abandon total de la réforme. Pour cela, nous appelons les parlementaires à voter le
blocage puis l’abrogation complète de la réforme. Pas question d’attendre 2027 ! 

Si la mobilisation a contraint le gouvernement à renoncer au vol de 2 jours fériés, cependant, le contenu
du budget est toujours aussi violent, voire pire sur certains aspects.
- Les franchises et participations médicales (le reste à charge sur les médicaments, rendez-vous
médicaux, transports sanitaires…) pourraient s’élever à 250€ par an et par personne, contre 100€ en
2024 ! Ce sans compter l’explosion des dépassements d’honoraires et du montant des complémentaires
santé. Quoi de plus injuste et de plus éloigné du principe fondateur de notre Sécurité sociale que de taxer
les malades ?!

L’ « année blanche » serait en fait une année noire : les pensions, l’ensemble des prestations sociales
(allocations familiales, logement, adulte handicapé, RSA…), le salaire des agents de la Fonction publique
ne suivraient pas l’inflation et seraient donc baissés en euros constants. Pour les retraités cette
désindexation serait même gravée dans le marbre jusqu’en 2030 ! Alors que l’INSEE alerte sur le niveau
record de la pauvreté en France, ces mesures ne feraient que renforcer les difficultés de millions de
travailleuses et travailleurs qui peinent déjà à boucler leurs fins de mois.
- Le budget des services publics serait baissé et plus de 3000 postes dans la fonction publique ou les
organismes de Sécurité sociale seraient supprimés. Une catastrophe alors que les hôpitaux, les écoles,
les universités, les crèches… sont déjà à l’os ! De même pour les crédits des secteurs culturels et
associatifs !
- Le projet de réforme de l’assurance chômage qui visait à faire 3 milliards d’euros d’économies par
an sur le dos des privés d’emplois n’a toujours pas été abandonné.
Pourquoi de telles régressions ? Parce que le gouvernement et le patronat refusent de prendre l’argent
là où il est, de taxer les actionnaires et les rentiers et de s’attaquer aux 211 milliards d’aides publiques
versées chaque année sans condition ni contrepartie. Mais aussi parce que le patronat sait que si son
intransigeance devait entrainer la chute de la macronie, il a déjà son plan B, avec Bardella et Le Pen.
L’actualité confirme à quel point l’extrême droite est toujours la meilleure alliée du capital : alors que nous
avons réussi à mettre sur le devant de la scène la revendication de justice sociale, ils organisent la
diversion en tentant de faire ressortir les clivages identitaires. Continuons à marteler que ce n’est pas
«Nicolas qui paye pour Mohammed» mais Nicolas, Mohammed et Fatimata qui paient pour Bernard
Arnault et Vincent Bolloré ! Alors que l'extrême droite n'a jamais été aussi proche du pouvoir, continuons
à sécuriser notre organisation à tous les niveaux. Cela signifie aussi amplifier nos pratiques de
syndicalisation de façon volontariste. Il nous faut proposer l'adhésion à chaque salarié.e que nous
défendons ou qui se mobilise avec nous ! Plus nous sommes nombreux et nombreuses, plus nous
sommes fort.e.s pour gagner mais aussi pour résister !
Il nous faut absolument continuer à nous mobiliser pour envoyer ce budget aux oubliettes de l’histoire et gagner l’abrogation de la réforme des retraites.

Le Premier ministre a été obligé de s’engager à ne pas utiliser de 49-3 pour faire passer son budget.
L’enjeu est donc d’interpeller l’ensemble des parlementaires - à l’exception de l’extrême droite - pour les
appeler à ne pas voter ces régressions, à abroger la réforme des retraites et à faire enfin de la justice
fiscale une réalité. Pour cela, nous allons mettre à disposition la plateforme alloparlement.fr qui permettra
à chacun et chacune d’interpeller les parlementaires de son territoire.
Mais cette interpellation seule ne suffira pas. L’objectif de la CGT est d’organiser un feu roulant de
mobilisations et de multiplier les fronts pour démontrer les impacts très concrets du budget. Un simulateur
sera mis en ligne sur cgt.fr pour permettre à chacun et chacune de mesurer l'impact catastrophique du
budget sur sa propre situation. Le 6 novembre les retraité.e.s ouvrent le bal pour dénoncer leur triple
peine : baisse des pensions, explosion des frais de santé et augmentation de leurs impôts. Les services
publics prendront ensuite le relais, le secteur de la culture, celui de l’action sociale, les associations…
sont aussi mobilisés. La CGT a ensuite proposé à l’intersyndicale d’appeler à une nouvelle journée de
grève et de manifestations interprofessionnelle. Si elles ne répondent pas à cet appel, la CGT prendra
ses responsabilités pour permettre à toutes les luttes de converger.

Pour élargir la mobilisation, nous avons besoin de l’ancrer, c’est-à-dire d’y intégrer les revendications
concrètes et directes des salarié.e.s dans les entreprises, à commencer par la question des salaires et
de l’emploi. Ne laissons surtout pas le patronat tranquille alors que c’est lui qui est le premier bénéficiaire
de ce budget ! Multiplions les grèves pour arracher des augmentations de salaires à l’image de celle
menée par les salarié.e.s de l’énergie depuis le 2 septembre ou de celles victorieuses de JDE Peet's
dans la Loire (160 euros bruts mensuels et 1500 euros de primes). Continuons à nous battre contre les
licenciements comme chez Owens Illinois/Verreries du Languedoc ou Teisseire à Crolles. Ancrer la
mobilisation, c’est aussi construire des cahiers revendicatifs locaux si possible en intersyndicale : chiffrons
sur chaque territoire, les besoins en services publics, le nombre de lits d’hôpitaux à créer,
d’enseignant.e.s à recruter, de pompiers nécessaires, de places en crèche ou à l’université… C’est ce
qui permettra de gagner la mobilisation de l’ensemble de la population et forcera les parlementaires à
prendre des positions courageuses.
Camarades, ce que nous martelons depuis la rentrée est toujours aussi vrai. Nous sommes en position
de force, le gouvernement n’a échappé à la censure qu’à quelques voix près et le couperet peut retomber
à tout moment. Alors que les tactiques politiciennes se multiplient et sont dominées par des enjeux
institutionnels (censure, dissolution, destitution…), restons centrés sur notre boussole : la nécessité
d’arracher des avancées concrètes pour les travailleuses et les travailleurs. Notre sujet n’est pas le
casting mais le contenu des politiques. La CGT ne sera jamais instrumentalisée par qui que ce soit et
restera toujours centrée sur la défense des intérêts des travailleuses et des travailleurs ! Notre objectif
est d’engranger les bougés : aujourd’hui renoncement aux 2 jours fériés, au 49-3, décalage de
l’application de la réforme des retraites, et demain enterrement de la réforme de l'assurance chômage,
du budget Bayrou, abrogation de la réforme des retraites… pour démontrer l’utilité concrète de la
mobilisation et renforcer la combativité. Ensemble, nous avons marqué de premiers points, gardons la
main pour transformer l’essai !


Sophie Binet,
Secrétaire générale de la CGT